On a trouvé un campement qui était un ancien
campement où est-ce qu’ils réparaient des véhicules.
C’est-à-dire la flotte civile qui avait là, qui était toutes
des Toyota Land Rover, peinturés U.N. Il y avait
beaucoup de carcasses de véhicules accidentés là aussi.
Ça fait qu’on a trouvé ça et on a décidé de passer la nuit
là, notre première nuit là-bas. Ça a été pas mal
mouvementé, pas mal - comment je dirais ça - inquiet,
un petit peu. La nuit a été... bien, c’est sûr, il n’y a pas
un soldat qui a dormi là. Sur nos cinq, il n’y en a pas un
qui a dormi, ça c’est certain. On entendait des chiens
japper, des chiens hurler, des... on entendait des
plaintes, des coups de feu, du mitraillage, des cris, des
personnes qui hurlaient, ça avait l’air des femmes ou
des enfants. On entendait... il y avait toutes sortes
d’oiseaux de nuit qui se promènent là-bas. Par icitte,
les oiseaux, la nuit, ça dort, mais là-bas il y a des oiseaux
de nuit qui se promènent. Ça atterrissait sur la
couverture en tôle. Ça nous faisait faire des sursauts à
toutes les cinq minutes. Puis on a passé une nuit, c’est-
à-dire, somnolé, comme un bon soldat fait, j’imagine,
dans un conflit. Tu peux pas dormir sur tes deux
oreilles. On a passé la nuit et au matin on s’est réveillé.
Là, le major a encore parti parce que lui il cherchait
toujours à trouver, un exemple, où est-ce qu’était le
poste de commandement puis ces choses-là. D’ailleurs,
il n’avait pas réussi à trouver la journée d’avant. Puis,
ça fait que nous autres on avait resté là tout seul. Il
nous avait laissé un véhicule puis lui était parti avec
l’autre véhicule. Ça a commencé vraiment à brasser
assez dur lorsque... on n’était pas assez, première des
choses... On aurait dû être au moins une vingtaine en
arrivant là, supply tech pour faire la mission (inaudible).
C’était trop gros pour le peu de monde qu’on était. Ça,
c’est officiel. Surtout qu’il y avait supposément une
compagnie civile là qui était supposée, entre guillemets,
nous approvisionner en eau potable, en rations puis en
PHL. Puis, quand on est arrivé là, c’était pas ça du tout.
Ils étaient là les monsieur, mais ils étaient enfermés
dans un hôtel puis ils ne bougeaient pas de là. Il n’y a
rien qui a été fait. Il n’y avait rien. Bien, ils avaient
essayé de faire entrer un convoi, mais le chauffeur du
convoi avait été abattu, et le convoi avait été volé. Ça
fait que là ils attendaient. Quand ils nous ont vus nous
autres, ils ont dit : « Ah, l’armée canadienne est arrivée ! »
en anglais. C’étaient des anglophones. Il dit :
« Ah, vous allez nous escorter puis nous protéger. » J’ai
dit : « On est rien que cinq, puis on est des supply tech,
on n’est pas des soldats. » Ils étaient déçus eux autres.
Ils pensaient qu’on était... ils ont dû se faire dire par les
Nations Unies, j’imagine, que les Canadiens sont venus
pour les protéger. C’était pas ça là. C’était pas ça notre
mission. Ça fait que là nous autres, pas de rations, pas
d’eau potable, pas de PHL, pas de produits pétroliers,
du carburant pour faire avancer les véhicules et ces
choses-là. Ça fait... c’était tout un challenge... on s’est
senti un petit peu abandonné, sur place.