Nous autres, là-bas, l’armée canadienne, bien, on avait
besoin du monde pour faire rouler le stade olympique
puis notre organisation où est-ce qu’on était, dans le...
juste nous autres, on employait - employer,
c’est un drôle de mot.
Interviewer: Bénévolement.
Bien, on les payait. Il y avait à peu près, peut-être une
vingtaine d’employés qui étaient des personnes locales,
des femmes surtout. Les femmes sont tellement
travaillantes en Afrique. C’est eux autres qui bêchent
dans les jardins puis les gars sont assis et les regardent
faire. En tout cas.... c’est leur culture, c’est pas la nôtre.
Mais, les femmes là-bas sont vraiment vaillantes, tu
sais. C’est quasiment toutes des femmes qui
travaillaient puis nous autres on leur donnait
l’équivalent de 5 $ américains, qui était très bien payé
pour eux autres. Mais moi, je ne me suis jamais fait
bénir les mains autant dans ma vie. Pour eux autres, on
a été des sauveurs. Pour eux autres, on était des.... pas
des dieux, faut pas exagérer... mais on était vraiment,
des saints... des anges gardiens, Gabriel puis toute cette
gang-là. J’ai eu des conversations avec des jeunes
femmes qui nous expliquaient... elle m’a expliqué
comment qu’elle avait perdu toute sa famille. Il y a une
jeune fille qui travaillait avec nous autres, elle a toute
perdu sa famille, ses cinq frères, son père, sa mère, son
grand-père puis sa grand-mère qui vivaient encore en
ce moment, puis elle a été cachée en-dessous d’une
paillasse puis elle les a tous vus se faire massacrer. Elle
m’a conté ça souvent. Elle aimait ça me conter ça parce
qu’elle disait que je savais écouter. Ce que j’ai trouvé
vraiment de ce peuple-là, la force, c’est l’esprit
maternel des mères de famille. Je vais vous donner un
exemple : quand les femmes... une des femmes que moi
j’ai pu apercevoir là, elle sortait du bois là, autrement
dit, sortir de la jungle pour venir nous rencontrer,
rentrer au pays, il n’y en a pas une qui ramassait pas des
enfants même si c’était pas les leurs. Elles ramassaient
jusqu’à dix enfants. J’ai vu des femmes qui avaient
jusqu’à dix enfants. Puis elles faisaient des pieds et des
mains pour essayer de nourrir ces enfants-là, même si
c’étaient pas les leurs. Je ne sais pas si c’était un
instinct de survie mais ces personnes-là sont
maternelles, ça n’a pas d’allure. Je leur demandais :
« C’est-tu vos enfants ? » «Non. » « Où est-ce qu’ils sont vos
enfants ? Elles savaient pas. Mais elles
s’occupaient de ces dix enfants-là. Puis partout tu
voyais ça, tu voyais une femme entourée de dix, douze
enfants, une femme puis dix, douze enfants, une femme
puis dix, douze enfants. Les gars, tu ne les voyais pas.
Où est-ce qu’ils étaient, je le sais pas. Les hommes, j’ai
aucune idée où ils étaient. On en a vu à la fin, mais au début
c’était juste des femmes et des enfants. Moi, ce que je
lui disais, ça n’a pas d’allure, ces femmes-là, elles
sortent du bois puis elles s’occupent des enfants qui
sont même pas les leurs. Tu sais, c’est comme si la
maison du voisin brûlerait et que tu prendrais toute sa
famille sans dire un mot. C’est naturel pour eux autres,
ça avait l’air naturel. J’ai pas peur pour ce peuple-là, j’ai
pas peur pour ces... ils vont survivre.