Après l’Escaut, le repos
Des héros se racontent
La bataille de l'Escaut a été la plus dure, peut-être.
Et il fallait que les troupes passent dans l'eau la nuit pour
débusquer les Allemands au croisé des chemins. Puis les
gars se battaient à l'eau puis ils voyaient leur copains mourir
aussi. Et, c'était très dur. À ce moment-là, j'ai demandé au
corps d'armée si on pouvait pas prendre, avoir un endroit où se
reposer; la Division avait besoin d'repos. Ca faisait
depuis, on était rendus au début de novembre, et sauf pour, à
peu près 5 jours, on avait été, depuis le 6 juin, en contact
continu avec l'ennemi. Alors j'ai demandé Anvers, puis ils
m'ont dit, oh, une minute, non non. Pourquoi pas? Si vous
allez à Anvers, votre Division va être criblée, parce que les
filles n'ont jamais, n'ont pas été examinées là depuis
longtemps. Non, non, vous voulez pas vous exposer à ça! Bon,
j'ai dit, Bruxelles. Jamais de la vie. C'est le quartier
général de Montgomery, puis si les troupes canadiennes sont
saoûlées ou autrement, puis qu'il entend parler de ça, ça va nous
nuire énormément. Bon, alors quel autre endroit? Il m'a dit,
le nom m'échappe, c'est une petite ville. Ah, un nom en
Belgique là, il me semble. En tous les cas, cette petite
ville-là, ah oui! Oui, oui, ça va. Alors on a demandé au chef
de police de la ville si on pouvait pas obtenir du
cantonnement là pour la troupe. Et puis il dit: « Oui, on va
vous organiser ça. » Puis il passait de maison en maison,
est-ce que vous accepteriez un soldat canadien? Oui. Alors
15000 troupes au moins là, vous savez, qui cantonnaient
individuellement dans les maisons. Puis une dame disait,
oui, j'en accepterais un, puis, l'autre disait moi j'en prendrais
deux, ah bien moi j'en prendrais deux moi. Alors on a réussi à
établir tout le monde là pendant quelques jours vivant dans des
draps propres avec une nourriture fraîche, du vin, puis une bonne
compagnie. Et c'était, je n'sais pas si vous vous êtes assez
jeune pour vous souvenir de la kermesse héroïque; vous savez
ce dont je parle?
Interviewer: Pas tout à fait.
Bien, au moyen âge, la troupe rentrait dans des villes et puis
saccageait le tout, et massacrait tout l'monde, pendait les
bourgmestres, et ça réglait l'affaire. Mais le film de 1930
peut-être, racontait la kermesse héroïque où les femmes d'une de
ces villes-là avaient dit aux bourgmestres et aux
autres, «inquiétez-vous pas, nous, on va recevoir
l'envahisseur ». Alors c'était la réception des
envahisseurs par les femmes. Puis les bourgmestres n'ont pas
été pendus. Alors je pense bien que c'était un peu la kermesse
héroïque, y'avait pas d'hommes beaucoup qui restaient là. Et ça
été vraiment remarquable et agréable. Et le souvenir que
j'ai en particulier, c'est qu'un sergent-major de la prévôté qui
quittait le 4e jour, après ça qu'on avait fixé qu'on devait
s'rendre à Nimègue, le sergent de la prévôté qui monte sa
motocyclette et qui avait dans son havresac sur le dos, une
bouteille; le cou d'une bouteille qui sortait, et une
miche de pain de l'autre côté. Et la bonne dame de lui dire à ce
sergent-major, « Joey, you come back to see me, no? »
Alors, c'était la kermesse héroïque. Je ne me souviens plus
du nom de l'endroit, mais c'était splendide, ah ça va me revenir.
Interviewer: Pas Liège, non?
Non, non, c'est comment....
Interviewer: Gand?
Gand, vous l'avez. C'est à Gand que ça se trouvait. Et les
autorités nous avaient remis au quartier général une plaque
qu'ils avaient gravée spécialement pour notre séjour-là
avec la signature de tous les officiers du quartier général -
plaque que j'ai éventuellement remise au musée de guerre ici.
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