En arrivant, après la guerre
- tu sais que ça m’a choqué ça aussi,
gros, puis ça a resté marqué un peu -
mon oncle qui était le frère à maman,
c’était quasiment mon père - il dit :
« Qu’est-ce que tu veux faire? »
« Bien, j’ai dit, j’veux faire... »
Il dit: « Veux-tu rentrer dans la police? »
« J’aimerais ça, il me semble que je me verrais dans la police. »
Quand je suis parti d’Angleterre pour m’en venir au Canada,
je pesais 167 livres. Quand j’ai arrivé, après mon mal de mer...
Interviewer: Quinze jours de traversée?
...quinze jours de traversée, j’ai perdu 15 livres.
Quand j’ai été passer mon test pour la police,
j’avais la grandeur mais j’avais pas la pesanteur.
L’affaire du jour, c’est que ça prenait 150 livres puis je
je pesais 149. Le gars y’arrive à moi pour passer le test
- le gars était à peu près haut de même - j’ai dit :
« Mesurais-tu 6 pieds quand tu es rentré dans la police? »
J’ai dit : « C’est correct, merci. »
Je me suis en allé. Mon oncle, après ça, il dit,
« Veux-tu venir travailler dans les autobus? »
« Ah, les autobus... » Une autre anecdote, ici tu vas rire en
tabarouette. J’ai dit : « J’vais essayer. »
Là je prenais un mois de vacances, c’était payé ça par...
J’ai dit, tiens, il faut que je me place en quelque part.
Je m’en vais voir Montreal Tramway.
Je passe devant le premier de toute - dans ce temps-là
sur les tickets de char, c’était marqué Watt, CJ Watt,
président de CTCUM, Montreal Tramway.
C’était pas l’autobus là, tramway.
Puis c’était le grand chum à mon oncle. Ah certainement.
Il dit : « Essayez-vous et parlez-moi donc un petit peu de la
guerre. » Là, j’ai dit... « Vous savez, il dit,
j’ai perdu le plus gros morceau de ma vie, il dit,
j’ai perdu un garçon, 18 ans; y’est mort la journée de
l’invasion. Y’était avec le régiment RCR;
il s’est fait tuer. Il s’est fait tuer sur la plage, »
qu’il a dit. Ça veut dire que c’est après nous autres ça.
Il s’est fait tuer sur la plage. Ça fait que là j’ai rentré.
Il dit : « Rapportes-toi à Bellechasse. »
À Bellechase, ça veut dire c’était les autobus qui avaient
dans ce temps-là, c’était gros. Je me rapporte.
C’était le beau-frère à mon oncle Théodore,
c’est son beau-frère qui était foreman de nuit.
Ça fait que, je commence. Je travaille 15 jours,
je travaille un mois. Ça fait qu’au bout d’un mois,
je dis : « Est-ce que j’en ai pour longtemps? »
Il dit : « Pauvre toi, c’est une bonne question en maudit ça.
Il dit, là il faut que tu rentres dans l’union.
Dans l’union, il dit, y’en a (inaudible) off.
Il dit, là t’es bon, il dit, pour une couple d’années. »
Interviewer: À travailler de nuit?
Oui, à travailler de nuit. J’ai dit : « Scratch mon nom,
je donne ma notice. » Il dit: « Attend là,
tu iras donner ta notice avant monsieur parce que t’es
recommandé par M. Watt puis moi je ne veux pas que tu t’en
alle et qu’il arrive quelque chose. »
Il avait peur le gars que je... Ça fait que je repasse devant
Watt et je lui dis ça. J’ai dit : « C’est bien de valeur,
c’est l’union. » Ça fait que, il dit : «C’est bien correct.»
Bonjour monsieur, merci beaucoup, vous êtes bien aimable.
Mais, entre ça - sais-tu ce qu’il m’avait donné comme job?
- aller shanter les autobus.
Tu sais ce que ça veut dire en shanter là?
Mettre le gaz, les gazer. Les gazer, tu sais,
checker en-dedans les sièges, tout est propre;
là, si tout n’est pas propre là, je parle à un gars qui nettoie,
qui lave. En shantant le soir, je m’en vais;
fallait que j’aie shanter à Saint-Denis, sur la rue Saint-Denis,
c’est dans la côte après le tunnel un peu.
Là y’ont deux grosses tanks à gaz. Juste en arrière de moi,
il passe un train. Tout d’un coup, ta, ta, ta, ta, ta, ta,
je me vire de bord, j’arrose le gars,
le gars qui était avec moi y’a eu peur. Dans le front, là,
ça lui brûlait là; il a fallu qu’il aille à l’hôpital.
J’appelle un foreman de nuit et je dis : « Là là, ça va faire. »
Ça faisait le même bruit qu’une mitrailleuse, la même affaire,
le train qui s’en venait sur la track. Alors, j’ai dit,
tabarouette, qu’est-ce qui arrive là. Ça fait que là,
j’y ai pensé, j’ai pris une semaine de vacances,
j’ai été chercher ma paie à Montreal Tramway.
Puis là, je me suis en retourné à la compagnie où est-ce que
je voulais, où j’avais travaillé avant de partir.
Là j’arrive, la main, par le cou, un bec sur la joue,
le grand boss, la main et tout ça. Il dit :
« Mack, il dit, je suis heureux de te voir et je suis content
de toi, » puis ci puis ça. Il me donne la main, il dit :
« Choisi ta job. » J’ai dit : « Je veux m’en aller sur
le mécanique. » « Okay, quand est-ce que tu veux commencer?
Il dit, tiens, j’vais te commencer la semaine prochaine,
tu vas partir de cette semaine; cette semaine tu vas avoir
ta semaine de vacances payée avant de commencer. »
Ça fait que là j’ai pris une autre semaine,
l’autre semaine après, bien j’ai commencé.
Et j’étais helper, j’ai été trois mois helper,
puis au bout de trois mois, ils m’ont donné une grosse
augmentation, la même chose que les mécaniciens qui étaient
sur les lignes. Ils m’ont donné une ligne en priorité.
De mécanicien, ils m’ont envoyé sur la ligne.
C’était facile pour apprendre.
Interviewer: C’était la mécanique de quoi?
Ils cotonnaient le tabac.
Ils enlevaient le coton sur le tabac.
C’était des griffes comme ça là, puis là les mains de coton
passaient, les feuilles de tabac passaient puis ils passaient
entre puis (inaudible) le tabac, puis le coton il
continuait de l’autre bord. Ça, c’était ma job.
Interviewer: Vous avez fait ça plusieurs années?
Quarante-sept ans.