Caporal (à la retraite) Russ Moses
Russ Moses était un survivant des pensionnats autochtones et un vétéran de la guerre de Corée. Depuis son décès en 2013, son fils John s’efforce de garder son souvenir vivant.
Guerre de Corée
S'est enrôlée
1950
Affectations
- NCSM Iroquois
- Hamilton, ON
- Vancouver, BC
- St. Hubert, Québec
Expérience opérationnelle
- Guerre de Corée, 1952
Toute sa vie, Russ Moses a refusé de se laisser définir par son expérience des pensionnats autochtones.
Membre de la bande Delaware du territoire des Six Nations de la rivière Grand, il n’avait que huit ans lorsqu’il a commencé à fréquenter l’Institut Mohawk de Brantford, en Ontario, de 1942 à 1947. Sa jeune sœur et un grand frère étaient là aussi. Ils ont vécu dans des conditions difficiles et ont subi un traitement inhumain, en plus de recevoir une éducation de mauvaise qualité qui leur a laissé peu de choix de carrière.
« Il était fier de son service pendant la guerre de Corée. »
Comme bon nombre de ses pairs, il a considéré l’armée comme « une façon de se sortir des événements de son enfance », selon son fils John. À 18 ans, il s’est enrôlé dans la Marine royale canadienne – le début d’une carrière de 15 ans dans les Forces armées canadiennes.
« Il a voulu s’éloigner autant que possible sur le plan géographique et autre de l’Institut Mohawk », affirme John.
Dans le cadre de sa première opération d’entraînement à bord du NCSM Ontario, il s’est rendu partout sur la planète, réalisant ainsi son rêve de voir le monde. Étant donné que la guerre de Corée faisait toujours rage outre-mer, il est parti en déploiement en Corée sur le NCSM Iroquois et il était à bord lorsque le destroyer est tombé sous le feu de l’ennemi le 2 octobre 1952. Trois marins ont été tués et de nombreux autres ont été blessés – les premières et seules pertes de la marine pendant la guerre.
« Il était fier de son service pendant la guerre de Corée, dit John. Même s’il a participé à des guerres et à des combats, il a dit que la nourriture était meilleure et qu’il y avait moins de discipline qu’au pensionnat. Il n’a eu aucun problème à s’adapter à la vie en mer. »
Il a été libéré de la marine en 1955 et est brièvement retourné dans la réserve des Six Nations, où il a rencontré et marié sa femme Helen, une infirmière autorisée. Peu de temps après, il s’est à nouveau enrôlé, cette fois dans l’Aviation royale canadienne (ARC). Au cours des 10 années suivantes, il a servi comme technicien en matériel de sécurité dans le cadre d’affectations partout au pays; ils entretenaient l’équipement des pilotes de l’ARC et des spécialistes en recherche et sauvetage.
En 1965, il a refusé une affectation à la base des Forces canadiennes Lahr, en Allemagne, pour postuler un emploi à la fonction publique fédérale, laquelle cherchait à embaucher des Autochtones qui se consacreraient aux questions touchant les Autochtones.
« Il a fait son entrée à la fonction publique fédérale alors qu’elle était sur le point de se préparer aux célébrations du centenaire en 1967, explique John. Il était le sous-commissaire général du Pavillon des Indiens du Canada à l’Expo 67 de Montréal. »
L’Exposition internationale et universelle de 1967 – connue sous le nom d’Expo 67 – a été la foire mondiale la plus réussie du 20e siècle, attirant plus de 50 millions de visiteurs du monde entier, y compris des diplomates et des chefs d’État. Le Pavillon des Indiens du Canada, l’un des 90 pavillons de l’exposition, présentait l’art et les artéfacts culturels autochtones qui ont mis en lumière certains des enjeux pour les peuples autochtones au Canada.
« Il était très fier de ce pavillon [qui] était un énorme tournant historique dans l’autoreprésentation autochtone devant des auditoires nationaux et internationaux », déclare John.
Le pavillon était l’un des moments forts de la carrière de Russ à la fonction publique, mais ce n’était pas sa seule grande contribution à l’autoreprésentation autochtone – ses propres mots seraient un jour employés dans une conversation nationale sur la réconciliation avec les peuples autochtones.
« Au moment où il a quitté l’armée de l’air en 1965 pour entrer dans la fonction publique fédérale, il a offert un résumé de son opinion sur les pensionnats à la demande de son nouveau patron », explique John.
Il en a découlé un mémoire sur son expérience à l’Institut Mohawk. Même s’il ne contient que cinq pages, c’est un regard franc sur la vie quotidienne dans l’un des pensionnats du Canada; il décrit les conditions abominables dans lesquelles vivaient les enfants autochtones : sous-alimentés, surchargés de travail et dévalorisés.
Russ Moses avec sa sœur Thelma à l’Institut Mohawk, Pensionnat indien, à Brantford (Ontario).
« Cette situation divise la honte entre les Églises, la Division des affaires indiennes et la population canadienne. »
« Notre formation scolaire a malheureusement été négligée, écrit-il. Lorsqu’un enfant est fatigué, affamé, infesté de poux et traité comme un sous-humain, comment au nom du ciel pensez-vous en faire un citoyen décent[?] »
Russ Moses a consacré le reste de sa carrière à occuper divers postes à la fonction publique, faisant preuve d’un entregent remarquable dans le cadre de médiations avec des groupes autochtones pour le compte du gouvernement. Pendant ce temps, son mémoire a presque été oublié, jusqu’à ce que des chercheurs de la Commission royale sur les peuples autochtones le trouvent dans les archives nationales au début des années 1990 et le retracent.
À leur demande, il a relu le document pour la première fois depuis des années. « Il a dit : Je ne changerais absolument rien… Tout ce que j’ai écrit à l’époque tient toujours », affirme John.
Plus de 55 ans après, ses mots sur l’héritage des pensionnats au Canada sont aussi puissants que jamais :
« Cette situation divise la honte entre les Églises, la Division des affaires indiennes et la population canadienne… Lorsqu’on m’a demandé de rédiger cet article, j’avais certaines réserves, pour être honnête, je dois dire les choses telles qu’elles étaient et, en fait, ce n’est pas mon histoire mais la vôtre. »
Depuis le décès de Russ Moses en 2013, John a fait des dizaines de présentations sur le mémoire de son père. Comme son père, il est aussi un vétéran des Forces armées canadiennes, au sein desquelles il a servi en tant que chercheur en communication, et un fonctionnaire dévoué. Il est actuellement gestionnaire de laboratoire à l’Institut canadien de conservation, où il contribue à préserver l’histoire des peuples autochtones du Canada – perpétuant le legs que son père a commencé à Expo 67.
Quand on lui a demandé s’il comptait poursuivre son engagement à faire connaître l’expérience de son père dans un pensionnat, sa réponse est simple : « C’est un moyen de garder le souvenir de mon père vivant. »
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