Major (à la retraite) Annie Tétreault
Peu de professionnels de la santé peuvent affirmer avoir exercé en territoire ennemi. Annie Tétreault était infirmière de soins critiques dans les Forces armées canadiennes (FAC). Elle a pratiqué son métier en zone de guerre trois fois plutôt qu’une.
Afghanistan Balkans Haïti
S'est enrôlée
1996
Affectations
- Valcartier : 1999-2002
- Gagetown : 2002-2004
- Valcartier : 2004-2007
- Montréal : 2007-2013
- Ottawa : 2013-2017
- Libération en 2017
Expérience opérationnelle
- Bosnie : 2001-2002
- Afghanistan : 2004
- Afghanistan : 2007-08
- Afghanistan : 2009
- Haïti : 2010
Dans les années 1990, les mises à pied et les retraites anticipées de centaines d’infirmières et infirmiers au Québec limitaient considérablement les perspectives de carrière des nouveaux diplômés collégiaux dans le domaine. Annie Tétreault, justement dans cette situation, cherchait du travail. Un ami qui étudiait au collège militaire lui a conseillé de soumettre sa candidature pour le programme des études subventionnées dans les FAC.
Avec seulement deux places disponibles en sciences infirmières dans le programme d’études subventionnées de 1996 des FAC pour des étudiants francophones, elle croyait que ses chances d’être sélectionnée étaient minces. Malgré qu’elle ait rencontré quelques embûches en raison de sa petite taille et qu’il lui fallut une dérogation à ce sujet, elle fut l’une des deux choisis cette année-là.
Trois ans plus tard en 1999, baccalauréat en main, elle a été affectée à Valcartier. À l’automne 2001, elle a vécu sa première expérience outre-mer en Bosnie, où elle a participé à la mission de stabilisation. Elle s’occupait alors de santé communautaire au camp de Velika Kladusa.
« Sincèrement, je pense que la Bosnie, c’était le parfait premier déploiement pour avoir une première expérience outre-mer, vivre à distance avec sa famille. Ça m’a donné le goût de continuer et d’en faire d’autres. »
Ses trois déploiements suivants, cette fois en Afghanistan, entre 2004 et 2009, se sont avérés de plus en plus drainants mentalement et physiquement.
« La météo était tellement mauvaise qu’on nous a fait atterrir sur une base américaine pour ensuite faire trois heures de routes vers Kaboul en pleine nuit dans la neige. »
Lors de sa première rotation, elle est débarquée à Bagram, à trois heures de route de Kaboul, en pleine tempête de neige. « La météo était tellement mauvaise qu’on nous a fait atterrir sur une base américaine pour ensuite faire trois heures de route vers Kaboul en pleine nuit dans la neige. J’étais bonne en tir, mais s’il était arrivé quelque chose sur le convoi, je ne sais pas comment j’aurais réagi. Mes connaissances de combat étaient plutôt minces. »
Elle a eu l’occasion d’aller partager du matériel médical dans un hôpital local. Elle a aussi contribué à des cliniques médicales mobiles qui se déplaçaient dans l’arrière-pays pour y soigner les habitants locaux. Elle y a connu un dépaysement total.
Le major Tétreault avec des enfants afghans.
« C’est là que j’ai vu l’exemple de la femme dominée. Dès que le médecin homme entrait dans les chambres, les Afghanes se cachaient le visage. Je n’étais pas voilée et elles essayaient de me toucher. ‘C’est une femme? Est-elle vraie?’ Et en plus, Kaboul, c’était l’une des régions plus ‘progressistes’. C’était vraiment étrange. »
« Quand je suis partie la deuxième fois, je savais pertinemment qu’on allait perdre du monde. Je m’incluais là-dedans. »
Elle a ensuite été dans le vif de l’action lors de sa deuxième rotation, à Kandahar. « Quand je suis partie la deuxième fois, je savais pertinemment qu’on allait perdre du monde. Je m’incluais là-dedans. » La major Tétreault travaillait à l’hôpital militaire de plus haut niveau en Afghanistan. Tous les blessés graves nécessitant des soins avancés y passaient – blessures d’explosions, par balle, amputations. Elle devait aussi composer cette fois avec un manque de personnel infirmier.
Malgré le travail difficile, et ne voulant pas laisser ses collègues repartir sans elle, elle est retournée en Afghanistan une troisième fois en deux ans. De nouveau devant les horreurs de guerre, elle commençait à douter de ses capacités, même si elle se savait plus que compétente.
« Lorsque j’ai remis les pieds à Kandahar en juin 2009, la première pensée que j’ai eue, c’est ‘qu’est-ce que je fais ici?’ Je pense qu’en 2007, je ne m’en suis pas rendu compte dans le moment, mais c’est là que j’ai été blessée (…) à chaque jour, de se demander qui on va perdre, puis qui je connais qui va passer dans mes mains à l’urgence… On dirait que cette fois-là, j’y allais dans l’espoir que ça allait être différent, mais non. »
Un bébé reçoit des soins après le tremblement de terre en 2010 à Haïti.
C’est dans le cadre de son dernier déploiement en Haïti que la major Tétreault affirme avoir commencé à reconnaître que l’Afghanistan avait laissé des séquelles permanentes. « J’étais moins patiente, je commençais à avoir moins d’empathie. »
Après la mort du caporal Nathan Cirillo lors de la fusillade de 2014 sur la colline parlementaire à Ottawa, elle a commencé à voir du danger partout. « J’avais touché le fond. Je voyais des catastrophes partout. Je savais que ça n’allait pas, mais en tant que personnel médical, ça ne pouvait pas m’arriver à moi. » Elle a décidé de consulter.
En 2017, après 21 ans dans les FAC et un diagnostic d’état de stress post-traumatique, elle a été libérée. « J’ai adoré mes années dans l’armée, même si je n’étais pas vraiment prête à sortir. » Elle se consacre aujourd’hui bénévolement à aider au fonctionnement du laboratoire d’une petite pharmacie près de chez elle.
Avec courage, intégrité et loyauté, Annie Tétreault a laissé sa marque. Elle est l’une de nos vétérans canadiens. Découvrez d’autres histoires.
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