Interviewer : Est-ce qu’il arrivait un moment où est-ce que vous
avez rencontré des Russes ou un bateau russe que vous avez venu
très proche de... de les voir ?
Oh oui, oui, oui, oui, oui, oui. Oh oui. Ce que je disais
tantôt, quand on a rasé de tirer dessus, on était à environ 200
pieds. On était à 200 pieds, on voyait, on voyait le monde-là,
on les voyait, on pouvait les distinguer vraiment clairement.
On était rendu à 200 pieds pis les canons drette-là, pis tous
loadés, crinkés pis tout là. Oh oui, oui, oui, pis on les
voyait. Tu sais c’est pas comme si ils avaient été à distance,
à longue distance que tu vois pas pis... t’as moins de feeling
dans ce temps-là quand tu vois pas, mais quand tu vois le monde
en pleine vue... en pleine face pis t’es prêt à tirer dessus,
c’est un autre feeling ça aussi là. Tu sais c’est un autre...
là tu le ressens, là tu sais, wow, c’est la vraie guerre là tu
sais. On a passé proche de tirer. Ça a été une question de
secondes. Jusqu’à temps qu’ils fassent une réaction de monter
les drapeaux parce que le langage international de la marine
c’est avec les drapeaux. Ça fait que c’est ça, ils ont répond
et pis... O.K., c’est là qu’on les a escortés hors du territoire
canadien tu sais, du 200 milles.
Interviewer : Parlez-moi plus de cet instant-là, le moment
critique, la communication des drapeaux, qu’est-ce que... d’un
bateau à l’autre, qu’est-ce qui se disait ?
O.K. Quand on a commencé... moi j’ai, j’étais un stoker. Je
dis stoker, c’est mechanical engineering, mais on appelait ça
stoker dans ce temps-là, c’était la terminologie. Quand je
finissais mon shift moi, je volontairais pour le... pis je
savais qu’on courrait après un bateau. Ça a prit environ vingt
heures avant de le rattraper parce que c’était un troller. Lui
il allait peut-être 8 noeuds à l’heure, nous autres on pouvait
aller chercher jusqu’à 15 noeuds à l’heure. Donc, on pouvait
gagner du terrain, on l’a rejoint. Ça a pris... c’est ça,
environ 20 heures pour arriver proche. Moi j’ai volontairé pour
le radar parce que j’avais... j’étais dans la réserve de la
marine avant pis j’avais pris mon cours en radar, donc j’étais
vraiment bon en radar, mieux que les gars qui étaient sur le
bateau. Ça fait que la capitaine, il disait « O.K. fais-le »
pis là bien, on se parlait toujours tu sais. Je disais « O.K.,
il est là pis il est là, je l’ai tu sais, envoi par là, par là. »
Ça fait que quand on est arrivé assez proche, ils ont essayé
de communiquer avec le Morse... le Morse code et pis ils ont pas
répond. Là on est arrivé plus près et pis ils ont essayé avec
les lumières, avec le code encore, le Morse code mais avec les
lumières. Ils ont pas voulu répondre. Là ils ont tiré un coup
de canon pour attirer leur attention. Ils ont monté deux
drapeaux sur mon bateau, ils ont pas répond encore. Ils ont
descendu les drapeaux. Mais là j’ai pas de signal encore parce
que moi je ne suis pas dans ça, moi je sais pas quels messages
sont envoyés. Mais là ils ont renvoyé un autre message avec
d’autres drapeaux et pis là ils répondaient pas. On est arrivé
proche. Je te dis, on était à environ 200 pieds, on était à
côté, et puis on était près a tirer. Là moi j’étais rendu mais
là j’étais obligé d’aller à mon poste parce qu’ils ont
(inaudible) l’autre place pour aller à... à l’attaque. Là je
travaillais moi sur un Twin Beaufort, ça c’est un petit canon...
deux petit canons, ça va boum, boum, boum, boum, boum comme ça.
Oh oui mais quand c’est... c’est du 2 pouces et demi ça à peu
près ça un Twin Beaufort. C’est fort, tu sais ça fait du bruit
ça, ça déplace des affaires. Là comme je te dis on les voyait,
on les voyait là, clairement là. Tu sais comme je te vois le
visage, je les voyais à 200 pieds, c’est pas loin 200 pieds là.
Pis, on attendait juste l’ordre de tirer. Jusqu’à temps qu’ils
ont commencé à répondre. Là il a appelé. Il a dit ça... le
capitaine sur le bull horn, il a commencé a crier au capitaine
du bateau russe « Il y a sûrement quelqu’un qui parle un autre
langage » il dit. Il parlait seulement anglais ou français ou
n’importe quoi. Et pis moi j’étais toujours volontairé tu sais
pour parler en français tu sais, ça fait que j’étais toujours
proche... Mais on essayait tout et puis finalement ils ont
répond en anglais. Là, bien là moi j’étais plus mêlé à ça, moi
j’étais sur mon... moi ma job c’était de loader le canon. Tu
sais, il y avait un gars qui tirait, moi je, ma job c’était de
loader le canon. Là le capitaine bon... ils se sont entendus
avec les... les terminologies de la marine, qu’ils étaient pour
escorté le bateau hors des zones canadiennes. Ça c’est fait,
c’est ça ce que ça c’est fait, c’est comme ça que ça c’est fait.
Interviewer : Qu’est-ce que... quand vous regardiez là pis vous
voyiez les Russes sur le bateau là, qu’est-ce qui passait dans
votre tête ?
Oh oui c’est ça, c’est du monde pareil comme nous autres là. Tu
sais c’est d’autre monde, ils ont leurs pensées à autres, ils
ont leur job à faire eux autres. Ils travaillent pour leur
gouvernement là ! Nous autres on travaille pour notre
gouvernement, on travaille, moi je travaille pour mon pays moi
là. Les ordres c’est ça. J’ai mes croyances, eux autres ils
ont leurs croyances. Ils croient ce que c’est qu’ils veulent
croire dans leurs pays. Finalement, on est tous brainwashé
d’une façon ou d’autre là. Sur mon côté autant que leur côté à
eux autres c’est ça qu’on est. Il n’y a rien de plus... il n’y
a rien de magique là-dedans là. Moi autant je suis brainwashé
sur mon côté, eux autres sont brainwashés de leurs côté,
c’est une réalité ça.
Interviewer : Ça aurait été difficile de tirer sur eux ?
Je le sais pas, on l’a pas fait. Je peux pas te répondre mieux
que ça. On l’a pas fait, je sais pas. Quand que... si ils nous
l’avaient dit... probablement qu’on aurait tiré. Maintenant
est-ce que j’aurais eu des regrets, tu sais, je peux pas le
dire, on l’a pas faite. C’est de la spéculation, tu sais, je
peux pas vraiment aller trop loin là-dedans de la spéculation.
Interviewer : Est-ce que vous aviez des sentiments contre les
Russes ou quelque chose ?
Non, non, non. Mais non, c’est d’autre monde pareil comme je te
dis. C’est d’autre monde pareil comme nous autre, hein. On les
voit, on les regarde, c’est d’autre monde. Non, j’avais rien,
jamais de mauvais feelings de rien. Ça a pas été... justement
le feeling était pas comme quand qu’on voyait les Allemands ou
quand on voyait les Japonais. C’était pas le même feeling du
tout. Parce que là on avait été vraiment à la guerre avec...
contre eux autres. Donc les Russes, on avait jamais été en
guerre avec eux autres, ils étaient nos alliés durant la
Deuxième guerre. Donc on n’avait pas de mauvais feelings
vraiment contre eux autres, seulement que leur gouvernement les
envoyait faire des affaires... « Non, vous avez pas le droit,
vous êtes chez nous, sortez d’ici. » Tu sais c’était pas...
c’était pas pire que ça, c’est ça que c’était.