Ne pas revenir dans un sac
Des héros se racontent
Ne pas revenir dans un sac
Intervieweur : Quand vous pensez à cette période
du service militaire, est-ce qu'il y a des événements
ou des personnes qui vous viennent à l'esprit, qui vous ont marqué?
Le Général Dallaire, c'est une très belle personnalité,
c'est un bon exemple de ce qui a dû vivre en tant que Casque bleu,
c'est l'exemple parfait du Casque bleu où il était impuissant
envers une situation, un génocide.
Plein de camarades que je me souviens,
des gens qui ont été blessés, Caporal-chef Langevin
qui est décédé lors d'un de mes tours, d'autres gens
qui se sont suicidés suite au retour, qui n'ont pas pu s'adapter.
Écoutez, on va dans un climat difficile,
on ne peut pas revenir avec un sourire éclatant.
C'est aujourd'hui que je me rends compte que les gens
à cette époque-là qui étaient près de moi, qui étaient importants,
je m'en rends compte aujourd'hui comment ils étaient importants.
Là-bas c'était de l'acquis, tous les jours, c'est la routine.
Aujourd'hui je me rends compte qu'ils ont en partie pris
soin de ma vie, comme moi j'ai en partie pris soin de la leur.
Intervieweur : Autant des gens qui étaient avec vous là-bas
des gens qui étaient ici?
Exactement, les deux.
C'est sûr qu'on ne veut pas revenir dans un sac.
Quand on est déployé là-bas, on a un sac qu'on traîne avec nous,
tout le temps, c'est notre body bag, on le traîne avec nous.
C'est la dernière pièce d'équipement qu'on veut sortir de notre kit.
C'est pas nous qui allons le sortir, on s'entend.
Je l'ai sorti pour certains.
On ne voudrait pas le faire sortir pour nous-mêmes.
Mais on le traîne avec nous tout le temps.
Ça nous motive, bizarrement, ça nous motive à ne pas entrer dedans.
C'est comme notre dogtag, quand on décède,
ils l'accrochent après notre orteil, dans le sac et on retourne.
Ça fait partie de notre quotidien.
C'est pas toujours évident, pas toujours plaisant,
mais c'est un travail qu'on doit faire, c'est un travail qui doit être fait.
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