Est-ce que vous pouvez me parler du retour à la maison,
donc vous ça a été suite à votre blessure, est-ce que vous
pouvez m’expliquer comment ça s’est passé au retour?
Mon retour à la maison a été, comment je pourrais dire ça,
inattendu.
C’était pas la façon que je pensais revenir chez nous.
Je suis revenu de l’Allemagne en avion, on était
les trois blessés qui avaient été blessés ensemble.
Il y avait peut-être d’autres blessés en fait, je ne me souviens pas,
je sais qu’on est arrêtés chercher des Américains,
je ne me souviens pas si c’est avant, je pense,
de l’Afghanistan à l’Allemagne, je pense qu’on est arrêtés
au Koweït chercher des blessés américains.
Je sais qu’il y avait d’autres blessés dans l’avion
quand on est revenus d’Afghanistan.
Revenir au Québec, il y avait pas mal juste nos 3 de blessés.
On est revenus au début décembre, je pense que c’est
une des années qu’il a fait le plus froid au Québec.
En début 2008, il faisait quelque chose comme -30, -40.
J’arrivais de +45, +50 à -40, je me rappelle,
j’avais, je pense, 3 « sleeping bags »
par-dessus moi pour me garder au chaud sur ma civière.
Je me rappelle très bien du trajet en ambulance également,
je sentais toutes les petites craques, tous les nids
de poule qui pouvait y avoir au Québec à travers la civière.
On dirait que j’étais couché sur une planche de bois.
Je n’étais pas couché sur une planche de bois,
mais on dirait que c’était l’enfer.
J’avais tellement perdu de masse musculaire.
J’ai perdu en fait, pour pas mentir, je pesais environ, à l’époque,
j’étais quand même assez jeune, je pesais 160 livres
et après l’hôpital j’en pesais peut-être 110.
J’avais la peau sur les os, complètement.
Je n’avais plus de masse musculaire.
Même chose à l’hôpital, quand ils me transféraient d’un lit à l’autre,
on dirait que c’était des planches de bois.
Pourtant c’était des lits avec des coussins, mais j’avais
comme plus de masse musculaire pour faire de coussin.
Je me rappelle très bien du transport en ambulance.
J’ai été transféré à l’hôpital l’Enfant-Jésus à Québec,
où j’ai passé environ 1 mois, j’ai eu quelques opérations.
Des opérations plus mineures de fractures,
de choses comme ça, qui ont été faites, puis par la suite,
j’ai commencé ma réhabilitation en janvier 2008.
Ça a duré une bonne année.
Normalement, je te dirais que ça prend environ
peut-être 6 à 8 mois plus fréquemment.
Moi ça a été un peu plus long parce que
j’avais des fractures au niveau de la jambe qui était
encore en « bon état » si on peut dire, qui ne voulaient pas
consolider, qui ne voulaient pas guérir, j’ai dû avoir d’autres
opérations durant l’année, un peu avant l’été.
Ça été un gros « down » pour moi
parce que je voyais quand même une certaine progression,
sortie de l’hôpital, commencer la réhabilitation.
Je n’avais pas encore eu de prothèse parce que ma jambe
n’était pas assez forte pour que je me tienne dessus.
J’ai ça qui arrive, il faut que je me fasse réopérer,
je ne peux plus marcher, me tenir debout.
J’avais atteint un « step » que je pouvais commencer à
me tenir debout, mais là la jambe, ils se sont rendu compte
qu’elle n’était pas assez forte, je me suis fait réopérer,
il faut tout que je recommence.
Ça a joué pour beaucoup sur le moral.
J’ai été obligé de retourner chez mes parents à Valleyfield
pendant un certain nombre de temps parce que ma
réhabilitation venait de s’arrêter là pour le temps que
le processus de guérison reprenne et que ce soit assez bien
consolidé pour que je puisse mettre du poids dessus.
Par la suite, j’ai eu le « kick » de motivation.
J’ai eu la prothèse qui est arrivée,
j’ai commencé à faire mon premier pas, mon deuxième pas,
de retourner au centre de réadaptation à Québec.
De pouvoir voir l’évolution s’enclencher plus rapidement.
À cette époque-là, mes confrères
étaient encore en Afghanistan pour la plupart.
C’est sûr que j’ai eu du support des Forces.
On était les premiers.
Je dois avouer qu’à l’époque, il y avait un support,
mais l’Armée en général a été pris de court quand c’est arrivé,
dans les premiers ça prenait un peu plus de temps,
il n’y avait pas vraiment de procédure, de protocole par rapport à ça.
J’ai comme été un peu, avec mes autres confrères qui avaient
été blessés en même temps que moi, les pionniers là-dedans,
aller chercher les services, l’aide à gauche et à droite.
Il y en avait, mais elle n’était pas nécessairement là
la journée où j’en avais de besoin.
OK on va t’en trouver mais ça prenait quelques jours, ça arrivait.
Mais oui, en général j’ai quand même été bien supporté là-dedans.