Puis par la suite c’est arrivé à quelques-uns de mes autres
confrères, jusqu’à temps que ça m’arrive à moi, le 27 novembre.
En fait, on était à Sperwan Ghar, puis la veille,
il y a un des postes avancés qui s’était fait attaquer.
Le lendemain matin, on s’en allait les ravitailler,
on s’en allait les supporter.
Quand on est partis, honnêtement, moi je ne me souviens de pas
grand-chose de tout ça, c’est ce que je me suis fait raconter.
Je me rappelle en fait de la patrouille que je faisais la veille, le soir.
Je me rappelle d’être entré le soir sur le camp,
de m’être couché et de me réveiller à l’hôpital quelques jours plus tard.
On s’en allait remplacer un peu, le « QRF » on s’en allait
ravitailler les gars qui s’étaient fait attaquer au poste avancé.
Il y avait probablement, de mémoire, juste une ou
deux routes qui se rendent là, que les Talibans savaient,
qu’ils avaient miné les routes.
De mémoire, on savait qu’il y avait
quelque chose sur la route, on avait arrêté.
J’étais le premier véhicule, on avait arrêté le convoi,
on avait fait notre procédure, vérifier s’il y avait pas de bombe
avec les détecteurs, les « mine detectors ».
Les gars ont rien trouvé, ils ont fait avancer le véhicule
et ça a adonné qu’il y avait effectivement une mine,
une bombe artisanale qui était sur la route.
C’est notre véhicule qui a roulé dessus.
À ce moment-là on était quelques-uns
dans le véhicule, à l’arrière, on était 3 à l’arrière.
Les 3 on a été blessés quand même assez sévèrement.
J’ai pas perdu sur le coup, mais suite à plusieurs opérations,
ils ont dû m’amputer la jambe gauche au-dessus du genou.
Un autre de mes confrères a perdu ses deux pieds
et le 3e a été « chanceux » dans sa malchance,
lui a été éjecté du véhicule, il est retombé sur le cou,
il a eu les vertèbres du cou déplacées ou brisées,
mais il a été chanceux, il n’a pas fini paralysé.
Mais encore là, aujourd’hui, il n’est pas revenu à 100% non plus.
Donc de cette journée-là, vous ne vous rappelez de presque rien?
Je ne me rappelle en fait de rien, j’ai eu, quand je me l’ai fait conter,
j’ai eu 3-4 flashbacks, mais à part de ça,
est-ce que j’ai vu ça dans un film, est-ce que c’est ce qui s’est
vraiment passé, je ne pourrais pas dire, je ne m’en rappelle pas
grand-chose non plus du côté de l’hôpital à Kandahar
la façon que ça s’est passé.
Je me rappelle un petit peu de l’Allemagne.
Quand j’ai été stabilisé à Kandahar, ils nous envoyaient en
Allemagne où est-ce qu’il y avait une base américaine qui
recevait tous les blessés d’Afghanistan et d’Iraq.
C’était probablement là-bas qu’il y avait les meilleurs
chirurgiens à l’époque pour traiter des cas comme le mien.
Eux autres, ils en voyaient à tous les jours, à toutes les heures,
pratiquement, ils les passaient un après l’autre.
J’ai été envoyé là pendant quelques jours avant de revenir au Québec.
Donc, vos souvenirs deviennent plus clairs à partir de quel moment,
vous ne vous rappelez plus vraiment de Kandahar?
Kandahar, après ma patrouille, je me souviens à peu près dire de rien.
Je me rappelle avoir vu mes parents, mon père et ma sœur
à l’hôpital en Allemagne, mais de ce que je leur ai dit,
de ce qu’ils m’ont dit, je ne me souviens de rien.
Une anecdote que je me rappelle, en Allemagne, encore là,
c’est flou un peu, mais je m’en souviens quand même,
je me souviens surtout de la partie que je me réveille
attaché dans mon lit.
Durant la nuit, j’avais des cauchemars,
j’avais réussi à démonter la machine qui donnait
mes injections de morphine ou d’intraveineuse.
Pourtant la machine était barrée.
Je ne sais pas comment.
J’avais tout démonté un peu comme une arme, de A à Z, sur mon lit.
Le lendemain matin, j’étais réveillé avec les deux bras attachés sur le lit.
C’est à peu près tout ce que je me souviens.
Après ça, j’ai été rapatrié au Québec à -40 degrés Celsius.
Il faisait vraiment froid.
Début décembre, je crois que c’était le 7 décembre.