Vivre le moment présent

Des héros se racontent

Vivre le moment présent

Transcription

I : Comment la mort est vue, comment on voit ça ? JV : Je pense qu'on n'est pas tous pareil, ça dépend de tes croyances, ça dépend bien du monde. Mais la mort, je pense, ça fait partie de la vie, c'est un risque de notre métier. On gère le risque puis surtout Officier, je trouve la différence, aussi Officier, c'est pas rien que ma sécurité à moi, là tu penses aux autres, parce qu'une décision que moi je prends, il y en a qui vont mourir. Ça, c'est pesant. Tu sais, on dit les barres «drettes» les Officiers, c'est les barres droites, ça c'est pesant des fois. Parce que tu te dis… là je les envoie là moi je suis pas là, tu sais des fois tu te dis, des fois, moi je vais y aller mais c'est pas ta job d'y aller, si tu y vas, c'est plus ta job. J'ai déjà envoyé des gars des fois attaquer de quoi puis j'ai dit j'y vas, j'y vas, j'y vas… Puis après ça j'ai dit je peux pas y aller parce que des fois tu fais ton ratio et tu te dis où est-ce qu'un commandant va avoir le plus d'influence pour la bataille ? Si j'ai deux gangs en avant et j'ai une gang une en arrière, je vais aller avec les deux gangs en avant puis je vais laisser mon adjoint en arrière. Mais des fois quand j'ai tombé sous commandement, le Major était en vacances et un moment donné c'était moi qui étais là, bien là j'ai envoyé du monde faire une attaque, même s'ils étaient beaucoup, c'était ad hoc, j'avais quand même deux autres gang en arrière, puis tu te dis est-ce que je vais en avant. Tu les connais les gars. Tu de dis, je vais peut-être les faire tuer, tabarouette, puis moi je ne serai pas là. Tu te dis, ma job, c'est pas d'être là. La mort fait partie des décisions. Pour ma vie à moi, un moment donné, j'ai décroché. Honnêtement, c'est pour ça que je dis, c'est les croyances. Qui vivra verra. Moi je suis croyant à ma manière, très croyant même, puis un moment donné, j'ai lâché prise. J'ai dit, au début, la première fois que je suis sorti du camp au mois d'avril, j'ai eu une montée d'adrénaline mais ma vie m'a préparé à ça. Tu sais, j'ai dit à la guerre du Golfe, j'ai eu peur de crever, les sensations je les sentais, j'ai eu mal au cœur, un instant de panique, après ça la Yougoslavie, j'ai connu des affaires et j'ai dit Oh ! Puis l'autre affaire qui ressemblait le plus proche à ça, il y en a qui vont rire, moi c'était vraiment ça, j'ai été dans une compagnie de parachutistes, j'ai été Airborne un moment donné, ça c'est l'autre affaire que je trouvais qui ressemble plus au thrill opérationnel, quand tu sautes d'un avion, tu fais pas semblant, quand on s'entraine, on tire de la blank, OK, tu fais semblant d'être mort, reprend l'attaque, mais quand tu sautes d'un avion, tu fais pas semblant, fait que là c'est l'autre feeling. Puis, rendu en Afghanistan, on dirait que je me sentais prêt tu sais, il y a des étapes, j'ai dit check ça c'est fait, je suis rendu là. Puis ma propre sécurité, un moment donné, ça fait c'est pas vrai que je vais avoir peur tout le long puis je vais anticiper au cas où que je meure et que j'aille peur puis à la fin du tour et si je meure juste à la fin du tour, j'ai passé un tour malheureux tout le long pour mourir et si je meure pas, tabarouette, j'ai passé tout ça pour ça ! Fait que j'ai dit non, au jour le jour. C'est la seule fois dans ma vie, vivre le moment présent, ça je le vivais pour vrai, moi je me levais le matin et c'est là.

Description

M. Vachon parle de sa vision de la vie, de la mort, et du fait que ses déploiements précédents l’ont bien préparé pour vivre les moments difficiles en Afghanistan.

Jean Vachon

Jean Vachon est né à Thetford Mines, au Québec, en août 1970. Enfant, il a toujours souhaité devenir un soldat. Il s’est enrôlé en 1989 à 18 ans et a été déployé entre autres en Allemagne, dans le golfe Persique, en Yougoslavie et en Afghanistan.

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