La crise du verglas de 1998
Des héros se racontent
Transcription
J'ai participé au verglas en 1998.
La plupart du monde avec qui j'ai travaillé,
c'est une mauvaise expérience le verglas dans le sens
qu'on a été déçus de la manière que le monde agissait ici.
Probablement, si je le vivais, j'aurais fait pareil.
Tu sais moi je partais de Québec, j'avais de l'électricité avec ma famille
et j'arrivais là où il n'y en avait pas.
Intervieweur : Dans quelle région vous étiez?
À Saint-Bruno de Montarville.
J'ai vraiment pas aimé ça.
Je pensais qu'il y aurait eu plus de, tu sais tu vas en Yougoslavie,
des pays de même,
puis le monde dit ça l'air qu'on ressemble à la Yougoslavie.
Ouais, à cause qu'il n'y a pas de courant et oui les arbres ont tombé,
on dirait une affaire de guerre la nuit mais oubliez ça.
Je trouve que les gens, puis en plus,
moi j'ai fait mon cours de parachutiste en 1997.
Puis quand j'ai fait mon cours de parachutiste moi ma gang sont partis,
je pense à Red River au Manitoba, il y avait des inondations.
Il y a beaucoup de gars qui sont allés aux inondations
et quelques mois après on était au verglas puis ils ont dit
on est chez nous ici puis c'est tellement pas chez nous dans notre tête.
La perception des gens, au Manitoba, on dirait que le Canada anglais,
ils prenaient soin de leurs troupes,
ils étaient contents et ils prenaient soin.
Merci de nous aider, on prend soin de vous autres.
Je trouvais que les Canadiens-français on avait,
regarde, tu ne me mangeras pas laine sur le dos,
mais moi je ne me laisserai pas, tu sais,
je vais essayer d'avoir le mieux pour moi.
Il n'y avait pas d'entraide, c'était zéro entraide qu'on avait.
Intervieweur : vous voulez dire entre la population et elle-même
ou la population envers les Forces?
Envers les Forces et envers elle-même.
Je trouvais, il fallait faire la discipline
dans une école un moment donné,
parce que le monde s’obstinait sur l'heure du midi.
J'ai faim, j'ai faim!
Bien oui, tout le monde a faim.
Il fallait que ce soit des militaires qui fassent la sécurité.
Après ça, un moment donné, j'ai donné du bois, puis le monde,
comme on dit, excusez le mot, ça essayait de
crosser le système parce qu'on donnait du bois.
Intervieweur : Une certaine quantité par famille?
Oui, c'était tant par famille mais un moment donné
tu voyais du monde tu les reconnais, mais nous autres
on changeait de shift de garde.
Un moment donné tu te dis, lui il me semble qu'il est déjà venu.
Quand tu revenais, tu disais, tel numéro de plaque,
si tu le revois, donnes-y en pas.
Puis il y en avait tu voyais, ils revenaient.
Après ça tu te rendais compte,
il y avait du monde qui vendait des affaires plus chères.
On non ça, on a été, honnêtement la majorité qui
ont été au verglas, c'était pas des belles expériences.
J'ai vu un moment donné, un petit exemple, je donnais du bois,
je me souviens dans un centre communautaire
il fallit que je donne 25 bûches dans une auto.
Il y a quelqu’un qui arrive, recule son auto,
puis on venait de déloader un 45 pieds qui venait du Saguenay parce
qu'eux autres aussi, l'été d'avant, suite aux inondations,
la fameuse maison au Saguenay,
qu'on voit avec la rivière, mais eux autres,
pour dire, regarde, ça c'est peut-être la belle partie
que je peux dire que je suis fier de ça, la gang du Saguenay ont dit,
pour aider la population du Québec qui est dans la misère,
on va fournir le truck, on va payer tout,
on fournit le bois, sauf que le bois était vert.
C'est sûr que tu prends ce qu'il y a, ça brûle moins bien.
Un moment donné, je suis en train de mettre,
il y a un monsieur qui arrive,
il dit moi je ne veux pas de ce bois-là.
J'ai dit monsieur, c'est lui.
Il dit non, c'est pas lui, il ne brûle pas.
J'ai dit monsieur, ça va être lui.
Il dit il vient de où ce bois-là?
J'ai dit ça monsieur, c'est ce que je vous ai expliqué,
c'est la gang du Saguenay, en remerciement,
pour serrer les coudes, ils vous ont payé et tout...
Là il me regarde, et me dit, ce que tu es naïf le jeune.
Tu es naïf, c'est pas la gang, c'est mes taxes qui paient,
je veux ce tas là et tu vas me donner ce tas-là.
Moi j'ai fait ma tête de cochon et je me suis dit toi le bonhomme,
et j'ai pogné les bûches blanches pas belles,
je l'ai regardé et je mettais les bûches.
J'ai fermé son coffre et j'ai dit bonne journée.
Mais là, tu peux pas être baveux, parce que tu es en uniforme,
mais dans ma tête ça a fait, méchant trou de cul!
Il y a bien du monde, la perception qu'ils ont des Forces
c'est mes taxes qui paient,
tu vas faire ce que je te dis, tu es payé par mes taxes.
Sauf qu'ils n'ont pas été expliqués le monde
c'est que l'armée est là pour sauver des vies.
C'est le dernier recours.
Quand l'armée ne peut plus faire la job, il n'y a plus personne.
Tu fais venir les Nations Unies ou c'est les Américains qui viennent,
on est le dernier recours.
Nous autres notre job c'est sauver la vie.
Le reste, on n’est pas là pour ça.
Ramasser dans ta cour même si tes meubles puent ou n'importe quoi,
on t'a sauvé la vie, après ça c'est fini,
après ça c'est les compagnies, les assurances.
Mais oui, ça fait partie de la business,
il faut que Qualinet vienne ou whatever.
Mais nous autres on est pas là pour ramasser tes meubles.
Un moment donné, il y avait la dynamique au verglas que,
il y a des branches dans ma cour, venez ramasser les branches.
Tu te dis voyons donc, c'est pas ça notre mandat,
nous autres on a évacué le monde,
on a aidé à ramasser, mais c'est fini.
C’est rare qu'on voyait arriver le monde comme au Manitoba,
comme les gars disaient, avec des beignes
et du café puis quand tu rentrais dans un restaurant,
les gars, regarde, assoyez-vous ici, veux-tu un café?
Non, c'était pas ça pantoute.
Intervieweur : Eh bien, même pays, un an de différence...
Même province, on est chez nous, ok, non, pas impress...
Intervieweur : Si on regarde la mission qui vous a été donnée,
est-ce que c'est quand même?
La mission, je pense que ça a été un succès,
parce qu'on a vraiment fait ce qu'on avait à faire.
On a évacué le monde, après on a aidé à remette
les infrastructures le plus tôt possible
pour que l'électricité revienne, mais le reste, on a plus d'affaire là.
Intervieweur : Si on revient en arrière,
c'était vraiment un temps de crise pour cette région là?
C'était un temps de crise
et nous autres on pouvait passer dans les rues pour s'assurer
que la sécurité est faite pour pas qu’il y ait des vols partout.
Tu sais, on avait pas d'armes, mais voir des gars de l'Armée
dans les rues à patrouiller, c'est sûr que ceux qui
veulent faire du tort, indirectement, tu dis, hey, les gars en vert.
On avait pas le mandat d'agent de la paix à ce point-là
mais on avait un mandat assez large pour dire
si tu vois du monde en train de piller, tu as le droit.
Au moins ça c'était clair, plus que la Yougo.
Mais le côté de la perception, je trouvais qu'il y avait,
moi j'ai pas aimé ça, et il y a plein de mes chums,
la majorité et même des gradés qui disent,
le verglas, non, non.
C'était pas une si belle expérience.
Oui, je suis fier d'avoir aidé chez nous, c'est ça qu'on disait,
hey, on va aider ailleurs, astheure, on aide chez nous,
mais d'un autre côté tu te dis,
il y a des places ailleurs, au moins ils sont contents....
Description
M. Vachon explique ses tâches lors de la crise du verglas de 1998 alors qu’il était déployé dans la région de Saint-Bruno-de-Montarville. Il nous raconte les raisons pour lesquelles il n’a pas aimé cette expérience alors qu’il servait dans sa province en temps de crise.
Jean Vachon
Jean Vachon est né à Thetford Mines, au Québec, en août 1970. Enfant, il a toujours souhaité devenir un soldat. Il s’est enrôlé en 1989 à 18 ans et a été déployé entre autres en Allemagne, dans le golfe Persique, en Yougoslavie et en Afghanistan.
Catégories
- Médium :
- Vidéo
- Propriétaire :
- Anciens Combattants Canada
- Date d’enregistrement :
- 8 décembre 2013
- Durée :
- 5:58
- Personne interviewée :
- Jean Vachon
- Guerre ou mission :
- Forces armées canadiennes
- Emplacement géographique :
- Canada
- Branche :
- Armée
- Unité ou navire :
- Royal 22e Régiment
- Grade militaire :
- Major
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- Date de modification :